Cette journée a débuté de manière ordinaire: en retardant puis haïssant le réveil-matin.
Puis comme de coutume, je me suis préparée un thé que j'ai laissé tiédir pour finalement, comme chaque jour, ne pas trouver le temps de le boire.
Mini#1 s'est montré, selon ses habitudes, plutôt exigeant avec le room service renvoyant tantôt son papa réchauffer, puis la minute suivante, refroidir son biberon.
Malgré son allure banale, cette journée présente un côté particulier pour nous. Parmi tant de gestes qu'on a l'habitude de faire au quotidien, il y en a un que nous n'avons pas fait. Que nous ferons, j'espère, plus jamais.
Nous n'avons pas empoigné ce flacon de verre et cette petite seringue graduée. Enfin, ton papa l'a fait ce matin, par reflex, avant que je lui rappelle que ce jour marquait la fin du traitement.
Tu n'as jamais rechigné à avaler ces 1.4ml de bétabloquants qui devaient assurer que ton cœur ne fasse pas d'erreur de parcours. Tu savais bien qu'après cette petite entrée tu pourrais profiter d'un bon repas.
Pourtant, mon cœur de maman vole de légèreté, aujourd'hui, à l'idée de ne plus devoir faire ce geste qui me rappelait des souvenirs douloureux.
Ces 1.4 ml de liquide sucrée qui, à chaque dose, me replongeaient dans l'ambiance si tendue des urgences pédiatriques.
Je réentends les alarmes stridentes de la machine censée contrôler ton rythme cardiaque. Je vois et revois les médecins défiler et les infirmières s'interroger sur la situation se chuchotant des choses à l'oreille.
Je revis ce moment horrible et si traumatisant où le médecin est venu nous dire, alors que l'on nous avait prié de rester en salle d'attente, que la manipulation censée calmer ton cœur n'avait pas fonctionné comme prévu.
"Il a rechuté" nous avait-t-il lâché dans un français sommaire.
Avant que nous puissions dire un mot, sa blouse blanche avait fait volte-face. Je me souviens avoir regardé mon mari et tous les deux nous avons eu cette pensée fulgurante, douloureuse et atroce qui nous a traversé l'esprit. Et si on te perdait.
Je revois l'ambulancier me tendre un mouchoir en m'entendant renifler bruyamment. Assise à l'avant de ce véhicule toutes sirènes hurlantes, je ne pouvais pas croire ni accepter de voir les voitures et les passants s'écarter pour laisser passer ce convoi qui transportait mon bébé.
Je n'avais pas prévu ça. Je ne m'étais pas préparer à devoir vivre ça.
Et finalement, je pense sincèrement qu'aucun parent ne sera jamais prêt à voir son enfant en détresse.
Aujourd'hui, c'est donc sans regret que je range cette seringue au placard mais je garde ces souvenirs, aussi éprouvants soient-ils, dans un coin de mon coeur. Parce que c'est ton histoire. C'est notre histoire.
Et au même titre que les aventures joyeuses que nous avons partagé durant ta première année de vie, celle-ci fait partie de nous.
Et comme chaque épreuve de la vie, elle nous a appris quelque chose.
Apprécier chaque jour la chance que nous avons d'être ensemble.
D'être une famille.