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Photo du rédacteurNatacha M.

Moi, bébé et mon Snickers


Je me souviens si bien de cette soirée du dimanche 9 octobre, il y a un an jour pour jour. Nous avions passé une journée magnifique chez des amis proches. Une journée spéciale et riche en émotions puisque nous avions officiellement demandé au futur parrain si il était d'accord d'assumer cette tâche. Une demande officielle que bébé a dû entendre puisqu'en fin de soirée, il a décidé de vider sa baignoire.

J'étais échouée telle une baleine à bosses sur mon canapé quand vers 22h45 nous avons décidé d'aller nous coucher. Comme de coutume, il m'aurait fallu un treuil pour me lever mais c'est mon mari qui a assumé ce rôle. Au moment où il m'aidait à me hisser du canapé, j'ai senti quelque chose de bizarre dans le bas de mon dos. Comme un craquement. J'ai trouvé ça étrange.

Epuisée, je me rends aux toilettes. Et là, je crie à mon mari: "Chou, tu es fatigué? Ben réjouis-toi tu ne vas pas dormir de sitôt".

Je venais de perdre les eaux. Aussitôt, je demande à mon homme d'avertir ma soeur, qui à l'époque, habitait l'appartement en dessous de nous. La pauvre, elle allait terminer sa journée d'anniversaire dans le stress, elle aussi. Je sens la panique monter. Je commence à tourner comme une hélice dans le couloir, ça y est, il va arrivé. Je brasse de l'air, je suffoque comme un vieux phoque en perdition. Puis j'essaie de me calmer mais comme pour mon premier, la perte des eaux sans ressentir aucun contraction, reste quelque chose de flippant. C'est comme quand vous entendez les grincements de la roue crantée qui vous emmène en haut d'une montagne russe. Vous êtes pris dans l'engrenage. Vous savez que la machine est lancée et que vous ne pouvez plus revenir en arrière.

Finalement, on laisse notre garçon endormi dans son berceau sous la surveillance du babyphone et de Tata juste en dessous. Après avoir changé trois fois de pantalons, on ferme la porte derrière nous. M***! Nouvelle vague, faut que je retourne me changer ( il y a combien de litres la-dedans au juste?).

On arrive à l'hôpital peu avant minuit.

"C'est pour un accouchement" dis-je à l'infirmier qui nous accueille aux urgences.

"J'avais remarqué" rétorque-t-il cyniquement en faisant allusion à mon immense coussin d'allaitement et ma démarche de Daffy Duck.

Ok. 23h48. Je n'ai pas encore mis les pieds dans le service de la maternité et j'ai déjà envie de faire ma première victime. Respirons.

Une fois arrivés auprès des sages-femmes et après le contrôle et le remplissage de paperasse, on me dit que mon mari ne peut pas rester en chambre avec moi car je ne suis pas en travail. Ok. Disons que pour mon premier, j'aurais surement fait un scandale mais là, je hoche simplement la tête. Je préfère finalement le savoir auprès de mon fils qui vivait justement des nuits difficiles à cette période. De toute manière, je savais bien que je n'allais pas accoucher de sitôt donc je me résous à dire au revoir à mon mari et rejoins ma chambre pour une nuit qui s'annonçait rude.

Seule en chambre heureusement, les contractions n'ont pas tardé à se pointer. D'abord gérables mais elles gagnent vite en intensité. A 3 heures du matin, elles sont régulières de trois minutes environ. Impossible de rester allongée ou immobile, je fais les cent pas dans ma chambre, puis dans le couloir en m'accrochant à la main-courante à chaque contraction. Têtue, je refuse d'appeler les infirmières. Je serre les dents jusqu'à leur visite à 5h30. Le contrôle révèle que je suis à 5cm. On me dit que je peux téléphoner à mon mari et rejoindre la salle d'accouchement.

On me demande si j'aimerai la péridurale. Je réponds que à priori non, sauf si je ne peux vraiment plus supporter la douleur. On me félicite pour la maitrise de la douleur et on me rappelle au passage que les contractions sont d'autant plus intenses lorsque la poche des eaux est déjà percée. Merci, j'ai pas de point de comparaison mais pour la douleur, j'avais constaté. Je demande à accoucher dans la baignoire et on me répond que cela devrait être possible mais cela dépendra de la sage-femme qui reprendra la garde à 7h et qui donc officiera durant mon accouchement. Je suis déçue de ne pas continuer avec la même sage-femme et appréhende sur qui je vais tomber. Je chasse ces craintes et me reconcentre sur ma respiration. Pour l'instant, je suis assez fière de moi. J'fais genre, c'est le deuxième, je gère l'affaire. . Mais cela allait se gâter par la suite.

Mon mari arrive vers 6h30, il me rapporte une barre chocolatée moi qui lui avait dit que je mourrai de faim. Je n'avais mangé qu'un yogourt le soir d'avant et mon estomac criait famine. Je savais que j'avais besoin d'énergie pour affronter l'effort qui m'attendait. Mais les contractions deviennent très intenses et très rapprochées. Je n'ai pas de répit et manque de m'étouffer avec ma bouchée de Snickers. Je suffoque et sens les éclats de cacahuètes se barrer directement dans mes poumons. J'abandonne ma collation sur la petite table à côté du lit. Je n'arrive même plus à boire. Je n'ai pas le temps de déglutir qu'une nouvelle contraction m'assaille.

Peu après 7h, la nouvelle sage-femme qui reprend le service entre dans la salle d'accouchement. Oh non. C'est la plus veille du service, elle a 30 ans d'expérience mais n'est pas réputée ni pour sa douceur ni pour sa convivialité. Alors que je m'apprête à glisser un pied dans la baignoire et que la douleur me plie en deux, elle me tape sur le haut de la fesse et me dit " ah pas facile la vie, hein".

7h12. Deuxième victime potentielle à mon tableau de chasse.

Mais je n'ai pas la force ni de répondre, ni même de la regarder. Je suis trop affairée à survivre. Je pensais que le bain allait m'aider, me détendre, c'est ce qu'on dit pourtant. Et bien non. Les contractions devenaient toujours plus fortes et je me sentais flancher. Je me dit que n'y arriverai pas. Je me tourne dans tous les sens, toutes les positions, mon mari me masse, me rassure mais rien de me soulage, rien ne m'aide.

Des doutes m'envahissent. Je sens que je ne peux pas supporter une souffrance plus forte. Mon mari me dit de demander la péridurale. Je suis perdue. J'ai réussi à tenir pour mon premier. On dit que le deuxième c'est plus simple. C'est quoi cette arnaque? J'en peux plus, on appelle la sage-femme et je lui dit que je ne peux plus continuer comme ça. Je sors du bain. Elle me contrôle et me dit que je suis à 9cm. Elle m'explique que l'on peut poser la péridurale mais que cela risque de stopper tout le travail et que vu la situation et l'avancée du travail, il se peut qu'elle ne fasse pas effet avant que le bébé arrive.

Ok. La situation vue sous cette angle, je préfère continuer sans. Il est environ 8h. J'essaie quand je peux d'avoir un oeil sur l'horloge. Devant ma douleur, la sage-femme s'est adoucie. Elle me caresse la main et me dit qu'on va réussir à "sortir ce petit moineau". Je trouve ce surnom mignon et je me dis que si il avait la taille d'un moineau, je serai pas à souffrir le martyr comme maintenant. Bref. Je peux même plus penser ou réfléchir, la douleur envahit chaque millimètre carré de mon cerveau. J'essaie de me concentrer sur ma respiration mais le mal tétanise tout mon être. Je me sens démunie, à bout de forces. Les contractions sont si vives et se compresse directement bébé qui évolue dans une piscine qui s'apparente à la mer d'Aral depuis plusieurs heures.

Après une trentaine de longues et interminables minutes de souffrance, la sage-femme me dit que l'on va pouvoir commencer à pousser. Je l'écoute et je rassemble mes dernières forces pour faire déguerpir ce moineau de son nid. Je pousse encore et encore, j'ai plus de souffle, plus de salive, plus de force, je suis à bout. Je demande si il arrive.

On me dit qu'il n'arrive pas à passer la symphyse pubienne.

Alors qu'on vienne encore me dire que la nature est bien faite quand cette chère Dame Nature (qui j'en suis sûre n'a jamais accouché de sa life) a décidé de mettre un OS au milieu du passage!

On me dit qu'il fait des allers-retours. Super. On me voit, on ne voit pas, on me voit. Mais attrapez-le bon sang! Finalement, on me dit qu'on voit la tête. Les choses se précisent. Des gens entrent dans la salle, un gynécologue, des sages-femmes, un cracheur de feu. J'en sais rien. Ils me disent bonjour. Comme si je pouvais répondre. Ils ne voient pas que si je hurle d'agonie c'est pas pour montrer mes talents d'actrice?

Le gynécologue de garde enfile ses gants et demande si j'ai une péridurale. Non mais, il est sérieux? J'ai bien entendu? Je suis en train de me liquéfier de douleur devant toi et tu me demandes si j'ai une anésthésie ?

8h48. voilà une troisième proie pour compléter mon podium de serial killeuse. Il a de la chance d'avoir des beaux yeux azur, c'est ce qu'il l'a épargné.

"Non, je n'ai rien, gros con".

"Non, elle n'a rien du tout". répond doucement une des sages-femmes.

On me dit de continuer, qu'il va bientôt venir. Je concentre toute mon énergie pour pousser ce moineau récalcitrant. Je souffre, je hurle, j'en peux plus. Je me dis qu'il faut qu'il sorte sinon je vais vivre mon dernier jour sur ce lit à côté de mon morceau de snickers. Je me dis aussi que je n'aurai plus d'enfant. Ou que je n'en aurai plus jamais sans péridurale. Une fois, deux fois, ok merci, c'est pas pour moi.

Finalement, il arrive.

A 9h15, mon petit moineau pousse son premier gazouilli. On me dit qu'il avait le cordon ombilical en bretelles ce qui n'a pas aidé lors de l'expulsion.

On me dépose mon bébé sur moi. Quelle délivrance. Enfin je pensais. On commence de me presser sur le ventre. On m'explique que le placenta ne sort pas. On veut m'injecter encore une dose d'ocytocine mais le cathéter est sorti de la veine durant l'accouchement. On me le remet tant bien que mal. Deux sages-femmes me pressent le ventre tandis que le gynécologue gesticule dans tous les sens. Ils me font mal. Je leur demande de prendre mon bébé, j'ai peur de le faire tomber dans un élan de douleur. On refuse parce qu'on me dit que je dois le garder au sein pour stimuler la production d'ocytocine, hormone qui provoque des contractions pour expulser le placenta.

Je me sens flancher . Je croyais avoir franchi la ligne d'arrivée. J'ai mon bébé. Laissez-moi tranquille. J'en peux plus cette fois. Je tiens plus. De grosses larmes roulent le long de mes joues. De douleur, de soulagement, d'épuisement, je pleure.

Finalement, le placenta sort et après l'horrible étape des sutures que je ne vais pas détailler. On nous laisse tranquille.

On m'amène une tisane. J'ai mal au cou. Je ne comprends pas pourquoi. Mon mari me rappelle que mes hurlements ont dû faire frémir tout l'hôpital. Oups, je glousse. Je regarde à coté de moi et vois le reste de mon Snickers.

Je croque dedans à pleine dent et savoure chaque éclat de cacahuète. Et ce caramel, quel délice. Puis, je sens la tisane tiède couler divinement dans ma gorge endolorie. Quel bonheur.

Je suis si heureuse.

Et si fière.

[ Cela valait bien un Snickers non? ]

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