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  • Photo du rédacteurNatacha M.

Ma vie de chien

J’ai vraiment pas les coussinets d’une romancière mais aujourd’hui c’est un jour spécial alors je me lance.

En plus, ma maîtresse me dit depuis un moment que ce serait bien que je parle de mon histoire par ici, que ça va sûrement intéresser des gens. Moi, je comprends pas trop comment des humains peuvent s’intéresser aux histoires des autres, moi tout ce qui m’importe c’est que mes croquettes arrivent à l’heure dans ma gamelle et que je bénéficie de mon quota habituel de câlins.




En parlant de câlins, le premier que j’ai reçu de mes maîtres c’était il y a 8 ans aujourd’hui. Mes premiers contacts avec les humains dans cette vie n’ont pas été les plus beaux. Personne ne voulait de moi. Ma mère et mes dix frères et sœurs, on a été abandonné lâchement. On était à la rue et être un chien sans foyer en Espagne, je peux vous dire que c’est pas drôle. La seule chose qui peut vous sauver, c’est la mort. Enfin, pas tout à fait.. J’ai remarqué quand même dès mes premiers jours de vie qu'il y a avait des humains pas méchants. J’étais bien sceptique quand j’ai vu ces longs doigts sans griffe nous extraire de ce vieux sac. Mais ces gens étaient doux, ils parlaient gentiment et nous caressaient nos pelages crasseux avec affection. On a meme recu à manger ! Bon, on était dix et il n’y avait pas autant de gamelles donc c’était un peu la loi du plus fort, où du plus rapide. J’ai appris à gober ma nourriture en un temps record, d’ailleurs j’ai gardé ça longtemps et mes maîtres ont essayé tant bien que mal de freiner mes ardeurs d’ogre. Ils mettaient même une cuillère dans mes croquettes, ils sont trop bizarres ces humains mais j’avoue que j’étais obligée de croquer avec précaution parce que mordre dans de l’acier, beurk, ça me retrousse les babines.


Bon revenons-en à mon histoire, j’aimais bien ces humains dans ce qui était devenue ma nouvelle maison. Il y avait beaucoup de bruit parce que j’étais pas le seul chien. On dormait dans des cages mais au moins on avait des couvertures, de la nourriture et même des caresses quand nos soignants en avaient le temps. Un jour, il y a eu beaucoup d’agitation. Un humain en blanc m’a ausculté dans tous les recoins, il m’a même piquée avec un truc pointu, une horreur ! Ensuite, on m’a mise dans une cage mais cette fois dans une boîte en acier métallique. Les humains appellent ça une voiture, je crois. On était plein de chiens, certains aboyaient, ça me cassait la truffe au bout d’un moment parce qu’on est resté des heures et des heures là-dedans. On roulait, encore et encore. Le bruit du moteur m’endormait un peu. Parfois, on s’arrêtait. La lumière m’éblouissait mais c’était agréable de se dégourdir les pattes et de se soulager dans des buissons qui devenaient de plus en plus verts. Finalement, après un voyage interminable, le moteur a cessé de ronronner. J’avais peur, je redoutais qu’on me ramène vers des humains méchants. Un homme gentil, encore en blouse blanche (décidement ces humains, ils sont bizarres) a regardé dans ma gueule, dans mes yeux et mes oreilles. Il m’a touché partout mais ces gestes étaient lents, précis et doux.


« Tu es prête pour ta nouvelle vie ma jolie » a-t-il glissé dans mes oreilles de chiot.



Du haut de mes trois mois, je ne comprenais rien. Je me suis ensuite retrouvée dans une cour, il faisait bien plus froid qu'avant. Il y avait tous mes compagnons de voyage et aussi mon frère et ma sœur, les autres je les avais perdu de vue. Des humains arrivaient peu à peu dans le même espace. Ils avaient tous un énorme sourire et un truc comme une corde à la main, une laisse je crois dans votre vocabulaire d’humains instruits.

J’essayais de me cacher, il y avait trop de bruit, d’agitation pour moi. Puis à un moment, deux jeunes humains sont venus doucement vers moi. Un portait une veste noire sur ses larges épaules, l’autre avec des longs cheveux blonds. Ils se sont accroupis doucement et m’ont tendu leur main. Je les ai léchés pour savoir si c’était des humains gentils ou pas. Ils avaient l’air plus que gentils. J’ai commencé à les lécher partout.




« Bienvenue dans la famille Karma » m’ont-ils dit doucement.


Waouh, c’est vraiment mon nom ça ? Les humains de la maison aux cages me le disaient parfois mais avec un autre accent. J’aimais bien celui-ci aussi. J’avais l’impression que je devenais vraiment une chienne importante. Je suis partie ensuite avec eux, à nouveau dans une de ces boîtes métalliques roulantes, mais j’avais peur. Je tremblais comme une feuille et mes nouveaux maîtres m’ont prise sur les genoux et m’inondait de caresses pour me rassurer.


Peu à peu, j’ai pris mes marques dans cette nouvelle vie. Bon sang, c’était le pied, j’étais la seule chienne de la maison. La gamelle, rien que pour moi. Les caresses, les bisous, les promenades, les petits os, tout que pour moi. J’avais l’impression d’avoir gagné au loto ! J’avoue que j’avais quand même un peu l’ennui de mes frères et sœurs mais je me sentais bien dans ma nouvelle vie. On a continué notre chemin tous les trois en faisant des énormes balades et en jouant dans la forêt ou avec la poudre blanche, c’est génial ce truc, j’adore. Dommage que c’est pas toute l’année parce que attraper des boules blanches au vol pour qu’elles se désintègrent ensuite en petites gouttes glacées dans ma gorge, c’est trop le kiff ! D’ailleurs pourquoi vous le faites pas, vous les humains ? Je vous le conseille vraiment !





Un jour, j’ai remarqué que ma maitresse avait l’air fatiguée. Elle me faisait toujours plein de câlins mais elle marchait un peu comme un pingouin et elle ne courait plus avec moi lors des balades. Elle avait l’air joyeuse quand même donc je me suis pas inquiétée. Quelques semaines après, j’ai senti de la tension dans la maison. Mes maîtres sont partis sans me regarder, je suis allée me coucher sagement dans mon panier pour les déranger le moins possible. Un moment, seul mon maître est revenu. Bon sang, il avait l’air d’un zombie mais d’un zombie content. Il me donnait des caresses, une petite balade puis repartait aussitôt. Finalement, elle est aussi revenue ma maitresse, j'étais trop heureuse de la revoir! Mais elle avait un truc bizarre dans les mains, un espèce de panier en plastique rempli de couvertures! Vous pensez bien que j’ai mis mon nez dedans ! Saperlipopette, vous allez pas y croire ! Il y avait un mini humain là-dedans ! Il sentait comme mes maîtres donc je me suis dit qu’il faisait partie de la tribu.


Depuis-là, c’est vrai que mes promenades étaient moins longues et on me prenait moins en photos, ils étaient toujours occupés avec la crevette, là. Par contre, ils étaient souvent présents. Surtout ma maitresse et du coup, je me sentais bien. Le mini humain était parfois bruyant, même la nuit mais ça me dérangeait pas, j’avais pris l’habitude de dormir malgré les aboiements des compagnons dans mes premières semaines de vie. Le mieux c’est quand ce petit bout d’humain est devenu plus grand. Il a commencé à jouer avec moi, mon dieu, je le léchais comme si c’était mon bébé. Bon, ça l’est un peu non ?




Moi, je sais que je pourrai jamais vraiment devenir maman parce que nous, les chiens de refuge, on ne fait pas de bébés. Tant que mes camarades dormiront dans des cages et pas dans le salon d’une vraie famille, on ne veut pas de nouveaux chiots dans ce monde. Mais, je me sentais comme la maman de ce petit homme alors je m’en battais la truffe. Vous imaginez mon bonheur quand un deuxième mini humain a pointé sa frimousse ! J’étais aux anges, j’avais plein de petites joues roses à renifler. Bon, mes maîtres semblaient un peu au bout du rouleau à ce moment-là mais une fois la maisonnée endormie j’avais toujours droit à mes câlins et mon bisou de bonne nuit.



Les mini-humains ont grandi et là, j’ai commencé à découvrir le bonheur d’avoir des enfants à la maison. Bon sang, lorsqu’ils mangent des petits grains blancs ou des brocolis, c’est un festival je vous jure ! Je me plante sous la chaise et hop direct dans mon gosier. Parfois, ces coquins, ils font exprès de me glisser un petit morceau de viande sous la table. Ils se font gronder par mes maitres et moi aussi mais peu importe je me régale.



Aujourd’hui, les mini-humains sont plus si petits. Et moi je suis plus si jeune. J’ai même des poils blancs sur mon museau. A la maison, ils me disent que je deviens une « mémé », je sais pas ce que ça veut dire mais ils le disent toujours en rigolant et en m’offrant mille caresses donc je m’en tape les babines. Les garçons apportent beaucoup de vie à la maison, parfois je dois dire qu’ils me cassent les oreilles. Je vais me réfugier ailleurs, sur le tapis de la salle de bain ou devant la fenêtre ensoleillée de la chambre à coucher de mes maitres. J’adore. Mais bon, je les aime quand même de tout mon cœur ces mini-humains. Dès qu’ils sont pas à la maison, ça me panique. Je tremble, je gémis. Ce sont mes bébés après tout. Normal non ? Et, évidemment, celui qui les approche ou les menace, je les dégomme. Un jour, un gros chien blanc tout poilu s’est approché trop près d’eux. Mon sang de maman n’a fait qu'un tour, je lui ai croqué une touffe de son pelage d’ours polaire, je peux vous dire qu’il ne les a plus approchés.


Ces petits humains, c’est le trésor de mes maitres et mes maitres c’est mon trésor. C’est tout ce que j’ai de plus précieux sur cette terre. Aujourd’hui, ça fait 8 ans qu’ils m’ont ouvert leur cœur et moi le mien.



Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que j’ai encore plein de copains qui n’ont pas de bisou sur la truffe avant de s’endormir. Alors si vous aimeriez avoir un compagnon pour la vie, pour faire de longues balades en forêt ou juste mâter Netflix le nez dans une couverture, s’il vous plaît, pensez à eux.


On a pas de papier, pas de race. La vétérinaire ne savait même pas quoi mettre sur mon dossier… mais on a qu’un cœur, c'est le principal.


Tout le monde arrête mes maîtres pour savoir ma race, mon pedigrée. Ma maitresse dit toujours que je suis croisée avec un tabouret de cuisine. J’adore la comparaison parce que imaginez-vous les restes de bouffe que je pourrais m’envoyer si j’étais un tabouret de cuisine ? Quand je vois l’état des chaises des minis-humains, je m’en lèche les babines rien que d’y penser. Bref.


Je crois que je vais vous laisser, il est temps pour moi d’aller dégourdir mes coussinnets de mémé.


J’espère que mon histoire vous encouragera à aller sauver mes potes des refuges. Tous méritent d’avoir une gamelle rien qu’à eux.


Ici c’est l’association qui m’a sauvée. Elle travaille avec plusieurs refuges en Espagne. Il y en existent plein d’autres. Je compte sur vous ma mifa humaine, vous êtes bizarres mais je sais que vous pouvez aussi être bons, la vie me l’a prouvé.


Léchouilles,

Karma.


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